*
parvenait à s'insinuer au travers des protections les plus imperméables. Elle glaçait chair et os sur son passage, en profitant pour saper le moral de ceux qui ne pouvaient faire autrement que de s'y soumettre. Pour parachever le décor lugubre, une brume légère flottait, effilochée, au ras du sol, mais tenace et rampante. Collante.
Pourtant, malgré cela, malgré la tristesse ambiante, un homme sifflotait.
Gaiement. Il était complètement étranger à l'atmosphère automnale de cette
journée. Pour lui, le ciel était empli de soleil et les rares nuages qu'il
apercevait n'étaient que de passage. Il s'appelait Richard et était heureux.
Heureux de vivre, heureux de sentir son coeur battre précipitamment, plus
vite que la normale. Rien n'était susceptible d'entamer sa bonne humeur.
Son euphorie transparaissait par tous les pores de sa peau, au point que
les gens qui passaient à côté de lui le regardaient curieusement. Des
gamins l'observèrent un moment, puis s'enfuirent en riant, l'index vrillé
sur la tempe. " Encore un barjo ! " Richard ne les vit pas,
ou, s'il les aperçut du coin de l'oeil, il s'en moqua ! De la pointe de
sa chaussure, il agita une flaque d'eau et observa sans les voir les ondes
créées par la perturbation. Ses yeux se perdirent dans les oscillations
des vaguelettes, et son esprit commença à battre la campagne.
Bientôt ! Bientôt ils arriveraient, et il pourrait enfin les serrer dans
ses bras ! Elle, son épouse, lui, Petit Bonhomme, son fils aîné, et Petite
Fleur, sa cadette. Elle ! Curieusement, il ne se souvenait plus de son
prénom. Peu importait ! Il n'avait nulle envie de faire fonctionner sa
mémoire. Elle ! Il l'appellerait " Elle " ! Quant à ses enfants,
les surnoms qu'il leur avait donnés étaient devenus leur appellation officielle.
Bientôt ! Quand ils seraient enfin là ! Enfin revenus !
Il renifla, et du coup, il prit conscience qu'il était immobile depuis
un long moment. L'engourdissement qui l'avait gagné faillit le faire trébucher.
Il remua avec difficulté ses jambes ankylosées, et crut même trébucher.
Pour l'instant, le quai de la gare était presque désert, contrairement
à ce qu'il était un moment plus tôt, et à ce qu'il serait dans quelques
minutes, quand le train annoncé par les hauts-parleurs arriverait.
" LA SUITE SUR KDP (AMAZON KINDLE DIRECT PUBLISHING) "
*
*
*
*