*
bien que la villa fit ce qu'elle pouvait pour tenter
de retenir le maximum de bruit.
De temps à autre, des aboiements retentissaient également, anéantissant
les efforts désespérés de la bâtisse. Celle-ci abandonna carrément lorsque
des bras velus aux manches de chemises retroussées ouvrirent brutalement
ses fenêtres, libérant l'atmosphère fétide saturée de fumées de cigares
et de vapeurs alcoolisées.
La soirée, qui avait fort bien commencé, se poursuivait
sur le même rythme. L'ambiance était chaleureuse, entretenue par des boissons
et des mets de qualité. La maîtresse de maison avait mis les petits plats
dans les grands, et son traiteur s'était surpassé ! Certes, cela n'était
qu'une soirée entre amis, mais le standing impose tout de même un certain
niveau de qualité et d'abondance !
Les trois couples participant à la mini réception se connaissaient de
longue date. Cependant, les aléas de la vie professionnelle faisaient
qu'ils ne se réunissaient pas autant qu'ils l'auraient voulu. Cadres moyens
et supérieurs, la peur de la pauvreté n'était pas vraiment leur souci
primordial. Ils avaient une fâcheuse tendance à se considérer comme l'élite
d'une société industrialisée à outrance, où seule comptait la réussite
financière et matérielle. Ni vraiment arrivistes, ni franchement snobs,
ils jugeaient normal leur statut privilégié. Ils refaisaient bien entendu
le monde, jugeant savamment la politique menée par les gouvernements successifs,
et soupiraient après un nouvel ordre mondial. Leurs élans moraux se limitaient
à des dons en faveur de différentes oeuvres caritatives, ce qui calmaient
les éventuels scrupules de ces dames, et abaissaient par la même occasion
le montant de leurs impôts.
*
*
*
*