Ainsi fit, ou du moins essaya de faire Alain Laguière, lorsqu'il assassina Estelle Duplay. Il finit par être arrêté, bien entendu, mais cela ne doit pas nous empêcher de reconnaître que son plan fut brillamment exécuté, et qu'Alain tint la police en échec pendant une année entière, pendant laquelle il mena une vie irréprochablement rangée et désespérément normale.
D'après toutes les règles du jeu (disons plutôt : en bonne logique, car il serait déplacé de parler de jeu en de telles circonstances), Alain aurait dû s'en tirer. S'il fut finalement confondu, la faute en revient à l'une de ces absurdes coïncidences comme il s'en produit tout juste une sur un million, et qui, elle, joua contre lui !
L'inspecteur Nativel s'ennuyait. Ferme. Un bâillement qu'il ne tenta pas de réprimer lui déforma la mâchoire. Ses paupières, trop lourdes, s'abaissaient contre sa volonté, et ne se relevaient que de plus en plus difficilement. Les images défilaient sur l'écran, mais il n'en avait qu'une perception partielle. Il se maudissait d'avoir cédé aux instances de son épouse, et d'avoir accepté de l'emmener au cinéma. Pour une première, en plus ! Pour un réalisateur qu'il n'appréciait pas outre mesure, et pour un film qui ne l'intéressait pas. "De ci, de là, ainsi va la vie". Titre idiot, mais metteur en scène à la mode, et oeuvres interminables ! La seule raison qui l'avait fait venir, était que depuis des mois, son travail de policier avait relégué sa famille au second plan. Il s'était sacrifié pour cette après-midi de dimanche, mais aurait préféré se trouver à son bureau.